jeudi 16 juin 2011

La Route


La Route (The Road) est une œuvre magistrale, époustouflante, profonde.


Issue du roman éponyme écrit par Cormac McCarthy, la Route est adapté au cinéma par l’américain de John Hillcoat.

L’histoire : Il y a maintenant plus de dix ans que le monde a explosé. Personne ne sait ce qui s'est passé. Ceux qui ont survécu se souviennent d'un gigantesque éclair aveuglant, de détonations lourdes et sourdes et puis plus rien. Plus d'énergie, plus de végétation, plus de nourriture... Les derniers survivants rôdent dans un monde dévasté et couvert de cendre qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut. Dans ce décor d'apocalypse un père et son fils errent en poussant devant eux un caddie rempli d'objets hétéroclites - le peu qu'ils ont pu sauver et qu'ils doivent protéger. Ils sont sur leurs gardes, le danger guette. L'humanité est retournée à la barbarie. Alors qu'ils suivent une ancienne autoroute menant vers l'océan, le père se souvient de sa femme et le jeune garçon découvre les restes de ce qui fut la civilisation. L'homme (Viggo Mortensen dans le film) et l'enfant (Kodi Smit-McPhee) ont quitté le nord des Etats-Unis et se dirigent vers le sud et la mer, le Golfe du Mexique, probablement. Depuis la catastrophe, le ciel est couvert, les animaux et les plantes sont morts, l'immense majorité des êtres humains a péri et les survivants se répartissent entre chasseurs et gibiers.

La Route a l'ambition de donner une portée universelle à la malédiction américaine. L'histoire et la géographie sont effacées par la catastrophe, il ne reste plus que la pulsion assassine et le désir de survivre. Comme si les fermiers, les ouvriers du chemin de fer, les industriels avaient disparu, ne laissant derrière eux que les derniers Indiens pourchassés par des chasseurs de prime payés au scalp. Dans ce monde sans soleil, les personnages vivent de souvenirs qui s'effacent peu à peu. La rencontre d'une bande cannibale est proprement terrifiante, mêlant les cauchemars des pires films de zombies et la réalité des guerres civiles.

Mais La Route, celle de Cormac McCarthy, celle de John Hillcoat, ne se perd pas dans le néant. Peut-être las du pessimisme de ses ouvrages précédents, le romancier a infléchi le cours de son récit, vers la fin du livre. A la lecture, on pouvait en concevoir un certain soulagement - comme si l'on recevait de bonnes nouvelles de l'auteur. À l'écran, cette concession à l'optimisme prend une forme plus gênante surtout vers la fin du film, qui édulcore ce voyage, le ramenant trop près des balises hollywoodiennes. L’une des scènes les plus marquantes du livre est celle de la découverte d’un corps de nourrisson, décapité et embroché au-dessus d’un feu de camps. Les cannibales se sont enfuis dans la forêt à l’approche des pas des deux personnages principaux, laissant derrière eux cette scène macabre et choquante qui marque la coupure des hommes avec leurs restes d’humanité. John Hilllcoat a préféré ne pas montrer cette image à l’écran, après avoir réussi à convaincre son équipe d’intégrer cette scène au tournage, c’est au moment du montage du drame qu’il a changé d’avis "Quand on entend parler de cette image, ça fait froid dans le dos… comme dans un film d’horreur (…). Dans notre tête, ça a un vrai impact, très puissant. Quand on le voit à l’écran, par contre, c’est très différent. C’est très dur et marquant".
 
Œuvre métaphorique, la Route est celle d'une quête impossible, celle d'un paradis perdu à jamais, d'une humanité qui se dérobe sans cesse sous les pieds fragiles des deux protagonistes, confrontés en permanence à la violence et à la barbarie.

C'est également une œuvre initiatique sur la transmission et la subjectivité des valeurs.C'est le tableau puissant et émouvant d'une relation entre un père et son fils, liés par une obligation de survie et le désir de perpétuer la mémoire et la culture en un âge de ténèbres et de désespoir.

C'est enfin une œuvre métaphysique. Les deux personnages devant sans cesse, par contingence, reprendre la route (tel Sisyphe devant sans cesse pousser son boulet). Nous ignorons pourquoi ils sont là (l'auteur dit peu sur ce qui s'est passé) et ils ignorent leur avenir, parfaite comparaison avec la condition humaine….

Le film : Réalisé par John Hillcoat, scénario de Joe Penhall et des musiques de Nick Cave et Warren Ellis. Il réunit Viggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee et, dans des rôles secondaires, Robert Duvall, Charlize Theron et Guy Pearce. Il est sorti dans les salles en 2009

Le livre : Auteur Cormac McCarthy aux éditions de l'Olivier et traduit de l'anglais par François Hirsh, il est paru en 2007et fut récompensé par le Prix Pulitzer de la Fiction
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Sources :