mardi 27 août 2019

Sur ma tombe : Les Années


" Toutes les images disparaitront […] Les images réelles ou imaginaires, celles qui suivent jusque dans le sommeilles. Les images d’un moment baignées d’une lumière qui n’appartient qu’à elles.

Elles s’évanouiront toutes d’un seul coup comme l’ont fait les millions d’images qui étaient derrière les fronts des grands-parents morts il y a un demi-siècle, des parents morts eux aussi […]. Et l’on sera un jour dans le souvenir de nos enfants au milieu de petits-enfants et de gens qui ne sont pas encore nés. Comme le désir sexuel, la mémoire ne s’arrête jamais. Elle apparie les morts aux vivants, les êtres réels aux imaginaires, le rêve à l’histoire […].

Tout s’effacera en une seconde. Le dictionnaire accumulé du berceau au dernier lit s’éliminera. Ce sera le silence et aucun mot pour le dire. De la bouche ouverte il ne sortira rien. Ni je ni moi. La langue continuera à mettre en mots le monde. Dans les conversations autour d’une table de fête on ne sera qu’un prénom, de plus en plus sans visage, jusqu’à disparaître dans la masse anonyme d’une lointaine génération."

- "Les Années" par Annie Ernaux aux éditions Gallimard Parution 2008 -
Adaptation de la citation de fin du film "Guy" réalisé par Alex Lutz sorti en 2018