lundi 4 juillet 2011

Jeux ministériels

On le constate dans l’actualité récente avec le départ de Madame Lagarde pour les États Unis, le remaniement ministériel est une réelle inconvenance…

Notre ancienne ministre de l’économie, des finances et de l’industrie  prend la tête du Fond Monétaire International en lieu et place de Dominique Strauss-Kahn. Une véritable reconnaissance pour elle et pour toute la gent féminine en général. Sans doute, aussi, une bonne nouvelle pour la France et pour son influence au niveau mondial, même si cette nomination ne relève en rien du choix d’un pays mais plus du choix d’une personnalité, indéniablement intelligente, cultivée et apte à tenir son poste. Une fonction qui d’ailleurs n’en reste pas moins une forte résultante de la société capitaliste mondialisée et de son échec économique, à coup de prêts bancaires à taux pleins, enveloppes budgétaires tronqués et pays en naufrages.…

Avec ce départ, il aura fallu remplacer la tête pensante du ministère. On l’a vu, la bataille a fait rage à coup de menaces et autres communiqués pour prendre cette fonction régalienne, et devenir un des « hommes » phare du gouvernement en place. Ce n’est pas le premier et sûrement pas le dernier remaniement que notre pays connaitra. Cette pirouette politique est souvent utilisée afin de calmer les ardeurs du peuple ou d’éviter de transiger sur un problème de fond. Le jeu consiste à remplacer les uns par les autres, en apporter de nouveaux et en retirer certains, souvent les gênants, afin de mélanger un peu la sauce et flouter la situation de crise : une manière d’adoucir le climat en leurrant d’un nouveau départ et d’une orientation politique fraîche, qui se montre bien souvent identique à la précédente. Le président et son premier ministre, lorsqu’il est maintenu dans ses fonctions, jouent alors une sorte de partie d’échec ou de dames, en déplaçant de la table de jeu, les hauts dirigeants Français, au gré de leurs actualités ou leurs popularités du moment. Dans le présent remaniement, pour un départ, trois ministres changent de portefeuilles, cinq font leur entrée au gouvernement (tandis que vingt-six restent à leur poste).

Les hommes et les femmes d ‘états voyagent donc, de ministère en ministère, et on peut légitimement se demander en quoi ils peuvent prétendre avoir les compétences nécessaires à de telles divergences de postes, si ce n’est bien souvent un diplôme de Science po ou de l’ENA…  Sur ce schéma, on voit, par exemple, Mme Bachelot enchainer le ministère de l'Écologie et du Développement durable avec celui de la Santé et des Sport puis le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale. Ou encore, Monsieur Juppé s’amarrer aux budgets, aux affaires étrangères, à l’Économie, les Finances et de la Privatisation puis à l'Écologie, le Développement et l'Aménagement durables, en ajoutant un petite virée à la Défense et aux Anciens combattants… Du côté gauche, on pourrait citer Ségolène Royale, qui débuta au ministère de l’Environnement, passa à l'Enseignement scolaire sous Jospin pour ensuite être nommée Ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes handicapées. On peut aussi mentionner Monsieur Chevènement qui voyagea entre la Recherche et la Technologie, l'Éducation nationale, la Défense et l’intérieur…

Nombreux encore pourraient être les spécimens de cet imbroglio politique, où les principaux intéressés se voient dans tous les cas gratifier, au-delà du prestige du poste, d’un salaire plus que convenable (entre 11 et 23 K€ mensuel) et touche l'intégralité de leurs indemnités de fonction après leur remplacement, et ce, pendant six mois. Le premier ministre, quant à lui, bénéficie tout de même de certains avantages supplémentaires à vie, notamment, une voiture, un officier de sécurité et une secrétaire. Les pauvres gouvernants perdent toutefois, en dehors encore une fois du chef du gouvernement, la totalité de leurs avantages après leur départ des ministères : du logement de fonction à l'accès gratuit au réseau SNCF en 1er classe…

Ce transfert des « Hommes » à la place des compétences est une réelle interrogation sur la légitimité de la 5ème république (et des autres aussi d’ailleurs). Il est incompréhensible que nos ministères soient gérés la plupart du temps par des hommes et des femmes qui, sans nul doute, ont l’expérience et la carrière nécessaire à occuper de tel poste, mais qui ne sont absolument pas spécialisés dans les domaines afférents à leur ministère.
Par exemple, pourquoi dans l’actuel et nouveau gouvernement Fillion, retrouve-t-on un David Douillet nommé secrétaire d’état chargé des Français de l'étranger ? Sans doute sa simili notoriété à l’étranger (à relativiser…) a-t-elle primée en sa faveur pour obtenir un secrétariat d’état. Mais alors pourquoi ne pas avoir attaché cet homme à un ministère lié au sport ? Domaine dans lequel il connaît non seulement les rouages d’une pratique sportive, et cela jusqu’aux très hauts niveaux, mais aussi le fonctionnement des fédérations et autres associations du monde du sport. Du même acabit, pourquoi ne pas nommer un agriculteur, président d’une fédération ou d’un syndicat agricole à la tête du ministère de l’agriculture ; un professeur de haut vol ou un recteur d’académie à l’enseignement ; un médecin, pharmacien ou directeur d’hôpital à la santé ; un préfet ou un policier aguerri à l’intérieur ; un éminent économiste aux finances ; un militaire à la défense ; un remarquable défenseur de la planète au ministère de l’écologie.
(On peut d’ailleurs se demander comment un parti pareillement dédié peut prétendre au poste présidentiel. L’écologie est un domaine spécifique : Domaine qui doit, en 2012, prendre toute son importance et monter en dominance budgétaire et politique face aux autres ministères. Mais ce n’est certainement pas une politique d’état à elle seule. Un gouvernement doit traiter de tant de sujets qu’il est irréaliste de le réduire à une problématique écologiste, si essentielle soit-elle).

Ne peut-on pas trouver des hommes et des femmes ayant à la fois, une certaine expérience de la politique, une carrière émérite et mémorable, un charisme avéré, et, une parfaite connaissance de la spécialité attachée à un ministère. Et ce afin que, la personne qui le dirige sache tout simplement, et professionnellement, de quoi elle parle, qu’elle ait vécu, compris, et assimilé les rouages du domaine de prédilection que son ministère doit gérer.
Des personnalités qui pourront, en toute connaissance, apporter les améliorations et orientations nécessaires au bon fonctionnement des ministères et répondre à l’attente des français face à leurs dirigeants.
                                                                                                              Caïn